Article Autorité Politique, rédigé par Diderot. Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres. Si la nature a établi quelque autorité, c'est la puissance paternelle, toute autre autorité vient d'une autre origine que la nature. Qu'on examine bien et on la fera toujours remonter à l'une de ces deux sources : ou la force et la violence, ou le consentement de ceux qui s'y sont soumis. La puissance qui s'acquiert par la violence n'est qu'une usurpation et ne dure qu'autant que la force de celui qui commande l'emporte sur celle de ceux qui obéissent ; c'est la loi du plus fort. La puissance qui vient du consentement des peuples suppose nécessairement des conditions qui la fixent et la restreignent entre des limites ; car l'homme ne peut ni ne doit se donner entièrement et sans réserve à un autre homme, parce qu'il a un maître supérieur au-dessus de tout, à qui il appartient tout entier. C'est Dieu dont le pouvoir est toujours immédiat sur la créature, maître aussi jaloux qu'absolu, qui ne perd jamais de ses droits et ne les communique point. Le prince tient de ses sujets mêmes l'autorité qu'il a sur eux ; et cette autorité est bornée par les lois de la nature et de l'Etat... Le prince ne peut donc disposer de son pouvoir et de ses sujets sans le consentement de la nation. Mais partout la nation est en droit de maintenir envers et contre tout le contrat qu'elle a fait ; aucune puissance ne peut le changer ; et quant il n'a plus lieu, elle rentre dans le droit et dans la pleine liberté d'en passer un nouveau avec qui et comme il lui plaît. C'est ce qui arriverait en France si, par le plus grand des malheurs, la famille entière régnante venait à s'éteindre jusque dans ses moindres rejetons : alors le sceptre et la couronne retourneraient à la nation.
Vers le lycée
Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs: la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil. Par la première, le prince ou le magistratfait des lois pour un temps ou pour toujours, et corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes, ou juge les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger, et l'autre simplement la puissance exécutrice de l'État. Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté; parce qu'on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter tyranniquement. Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire: car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur. Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs: celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers. Dans la plupart des royaumes de l'Europe, le gouvernement est modéré, parce que le prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l'exercice du troisième. Chez les Turcs, où ces trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme. Extrait du Chapitre VI du livre XI de l'Esprit des lois
Pour le plaisir
Le despotisme éclairé
" Les citoyens n’ont accordé la prééminence à un de leurs semblables qu’en faveur des services qu’ils attendaient de lui ; ces services consistent à maintenir les lois, à faire exactement observer la justice, à s’opposer de toutes ses forces à la corruption des moeurs, à défendre l’État contre ses ennemis... Les princes, les souverains, les rois ne sont donc pas revêtus de l’autorité suprême pour se plonger impunément dans la débauche et dans le luxe (...). Le souverain est attaché par des liens indissolubles au corps de l’État ; par conséquent, il ressent par répercussion tous les maux qui affligent ses sujets, et la société souffre également des malheurs qui touchent son souverain. Il n’y a qu’un bien, qui est celui de l’État en général. Si le prince perd ses provinces, il n’est plus en état, comme par le passé, d’assister ses sujets ; si le malheur l’a forcé de contracter des dettes, c’est aux pauvres citoyens à les acquitter ; en revanche, si le peuple est peu nombreux, s’il croupit dans la misère, le souverain est privé de toute ressource. Ce sont des vérités si incontestables qu’il n’est pas besoin d’appuyer davantage là-dessus. Je le répète donc, le souverain représente l’État ; lui et ses peuples ne forment qu’un corps, qui ne peut être heureux, qu’autant que la concorde les unit. Le prince est à la société qu’il gouverne ce que la tête est au corps ; il doit voir, penser, agir pour toute la communauté, afin de lui procurer tous les avantages dont elle est susceptible. FRÉDÉRIC II, Essai sur les formes de gouvernement et sur les devoirs des souverains, 1781.
Que retenir?
Les Lumières et l’absolutisme
Dans le domaine politique, les philosophes des Lumières s’accordent tous sur le fait que la monarchie absolue de droit divin telle qu’elle est pratiquée en France par exemple est un mode de gouvernement injuste.
Cependant, ils ne sont pas d’accord sur les solutions à apporter pour améliorer la situation: Montesquieu préconise la séparation des pouvoirs législatif, éxecutif et judiciaire , Rousseau la démocratie directe c’est à dire le pouvoir du peuple, Voltaire le despotisme éclairé d’un roi philosophe gourvernant selon la Raison.
Tous défendent néanmoins les libertés dans tous les domaines, prônent la tolérance notamment religieuse et défendent l’idée que l’objectif de l’Homme est le bonheur.